Supercellule à Vitrimont

Le jeudi 4 avril 2024, plusieurs orages ont éclaté dans le nord-est de la France. Un orage supercellulaire a en particulier été observé en Lorraine, provoquant des dégâts dus au vent en forêt de Vitrimont, près de Lunéville. Keraunos, l'observatoire français des tornades et orages violents, suite à une analyse des dommages sur le terrain, a conclu à un cas de tornade d'intensité EF1 ayant parcouru une distance de 2,5 kilomètres. Un chasseur d'orages a pu photographier un nuage en rotation, à priori peu de temps avant que le phénomène venteux se produise (figure 1).

Figure 1 - Nuage-mur. Crédit : K. Leclercq.
 

Les orages se sont développés dans un environnement favorable à la convection, au passage d'un thalweg associé à de l'air froid en altitude. Sur la figure 2 ci-dessous, le thalweg traversant en début d'après-midi le Benelux est visible sur le champ de géopotentiel et sur le champ de température à 500 hPa : il s'étire de la mer du Nord au nord-est de la France.

 
Figure 2 - Pression mer, géopotentiel et température à 500 hPa, épaisseur de la couche [500, 1000] hPa, le 04/04/2024 à 12 h UTC (analyse GFS). Source : www.wetter3.de.
 

Le sondage de Trappes (figure 3) à mi-journée est supposé représentatif de la situation l'après-midi en Champagne-Ardenne et Lorraine. La CAPE était modérée et le profil thermodynamique autorisait le développement de nuages convectifs aux sommets peu élevés (altitude < 7 km environ). Le cisaillement vertical de vent était particulièrement fort. Une variation du vent supérieure à 20 m/s entre la surface et environ 6 km d'altitude est requise pour permettre l'organisation d'un orage en supercellule. Le sondage montre un hodographe rotationnel : le vent tourne dans le sens des aiguilles d'une montre et croît avec l'altitude. Selon l'hodographe, le module du cisaillement de vent était de l'ordre de 60 kt (~ 30 m/s) sur 0-6 km. De plus, l'hélicité relative (SRH) était proche de 200 m²/s² en basses couches et les niveaux de condensation par soulèvement (LCL) étaient prévus assez bas. Les ingrédients étaient donc réunis pour observer la formation d'orages éventuellement supercellulaires (du type low-topped supercells) et potentiellement tornadiques.

 
Figure 3 - Radiosondage de Trappes le 04/04/2024 à 11 h UTC (données Météo-France). Source : www.meteociel.fr.
 

La photographie ci-dessous (figure 4) montre la supercellule à l'origine des dégâts en forêt de Vitrimont, vue depuis la zone où l'air relativement chaud et humide converge vers l'orage. Selon son auteur, elle aurait été prise avant la tornade. La base nuageuse sombre et sans pluie à gauche de l'image coïncide avec une région de courants ascendants. A droite, le rideau de précipitations marque l'emplacement des principaux courants descendants (FFD). La base surbaissée correspond au nuage-mur, localisé sous le courant ascendant rotatif, et duquel peut se développer un tourbillon. Dans ce type de configuration, où le RFD (courant descendant arrière) et le FFD apparaissent bien distincts, il est peu probable qu'une tornade soit masquée par les précipitations.

Figure 4 - Supercellule de Vitrimont. Crédit : K. Leclercq. Annotations : Météo Pratique.
 

La supercellule de Vitrimont s'est développée entre la Champagne et la Meurthe-et-Moselle, où elle est parvenue à maturité. L'image radar de Nancy à 14 h 30 UTC confirme le mode supercellulaire (figure 5). Sur le champ de réflectivité, un écho en crochet est visible, il n'y a toutefois pas d'enroulement significatif. L'image de vitesse radiale, si elle ne permet pas d'identifier une tornade, indique un dipôle de faible rotation cyclonique, entre le sol et la base des nuages à la verticale du mésocyclone.

Figure 5 - Image radar de précipitations : réflectivité (Z) à gauche, vitesse radiale (V) à droite. Données Météo-France. Source : Bram van't Veen, NLradar.

En conclusion, ce jeudi 4 avril 2024, le contexte météorologique était propice à la formation de phénomènes tourbillonnaires en Lorraine. Une supercellule a notamment traversé la forêt de Vitrimont, où des dégâts ont été constatés suivant un couloir étroit sur une distance supérieure à deux kilomètres. Une enquête sur le terrain menée par Keraunos a conclu à une tornade. On peut regretter l'absence de témoin visuel. Il est inhabituel qu'un tel phénomène parvienne à se former et à se maintenir au-dessus d'une forêt, car la trop forte rugosité du terrain n'y est pas favorable au développement d'une tornade.

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