Verglas, neige et regel

Des pluies verglaçantes ont touché une partie de la France, la Belgique, le Luxembourg et l'Allemagne le mercredi 17 janvier 2024, rendant les sols particulièrement glissants. L'épaisseur de la couche de glace a dans certains secteurs atteint plusieurs millimètres voire localement le centimètre. Cet épisode notable de verglas s'explique par la circulation d'une perturbation atlantique ayant induit un redoux transitoire après plusieurs jours de gel en plaine. Des chutes de neige ont également été observées le 17 janvier et le 18 janvier, abondantes sur une partie centrale de l'Allemagne, où on a relevé jusqu'à plus de 20 cm de neige fraîche. Sur les régions affectées par le redoux mercredi, le retour de températures négatives dans la nuit de jeudi à vendredi a occasionné un phénomène de regel (photo ci-dessous).

Figure 1 - Chemin gelé dans les Vosges.
 
Au cours de la nuit du mardi 16 au mercredi 17 janvier, un front chaud actif lié à la dépression nommée Irène remonte sur la France dans un courant rapide de secteur sud-ouest, accompagné d'une advection chaude marquée. A l'avant de ce front, une masse d'air froid est présente, et les sols se sont refroidis en soirée et début de nuit par rayonnement. Les températures de surface sont négatives, par endroits inférieures à -5 °C. Mercredi, dans la nuit et en journée, des pluies verglaçantes parfois précédées de neige sont observées de la Normandie au sud de l'Allemagne. Le front, dans sa partie septentrionale où l'atmosphère est plus froide, donne des précipitations sous forme de neige (figure 2).

Figure 2 - Analyse de surface le 17/01/2024 à 12 h UTC.

Les sondages de Idar-Oberstein en Allemagne le 17 janvier (figure 3) montrent une inversion thermique et un "nez chaud" vers 800-900 hPa, résultant du transport d'air chaud au-dessus de basses couches froides. La rotation horaire du vent avec l'altitude implique effectivement, via l'équilibre du vent thermique, une advection chaude. Le profil vertical du matin montre déjà une couche à température positive au-dessous du niveau 850 hPa. En fin d'après-midi, la couche de fusion est devenue très épaisse, tandis qu'en surface la température demeure négative. Dans une telle situation, toute chute de neige évolue forcément en pluie. Au contact des surfaces gelées, les gouttes d'eau congèlent et il se forme du verglas. En cas de pluie modérée et durable, et si l'air froid résiste près du sol, les accumulations de glace peuvent être importantes.

Figure 3 - Radiosondage de Idar-Oberstein, en Allemagne, le 17/01/2024 à 10 h UTC (en haut) et à 16 h UTC (en bas). Source : Météociel.

Jeudi 18 janvier, une limite frontale caractérisée par un fort gradient thermique horizontal s'étirait du Golfe de Gascogne à l'Europe centrale (figure 4), séparant l'air doux d'origine subtropicale au sud, de l'air froid polaire au nord. La perturbation a adopté en journée de jeudi un caractère de front froid s'enfonçant vers le sud et l'est. Un refroidissement significatif s'est produit au passage du front, dans l'ouest et le nord-est de la France, où les températures avaient franchement augmenté la veille.

Figure 4 - Analyse de surface le 18/01/2024 à 06 h UTC.

La figure 5 montre à gauche la réflectivité mesurée jeudi à 9 h par le radar météorologique de Nancy, pour l'angle d'élévation minimal. Des précipitations faibles à modérées touchent la zone couverte (échos représentés en vert et jaune). Le radar de Météo-France est à double polarisation (horizontale et verticale), si bien que les données réceptionnées peuvent fournir des indications sur la forme des hydrométéores. Sur l'image de droite est représenté le coefficient de corrélation (CC), qui mesure l'homogénéité ou l'hétérogénéité du volume d'atmosphère sondé par le radar.

Figure 5 - Images obtenues à partir des données radar de précipitations de Nancy à 08 h UTC le 18/01/2024 au passage du front dans le nord-est de la France : réflectivité (Z) à gauche, coefficient de corrélation (CC) à droite. Crédit : V. Jewtoukoff, à partir des données Météo-France.
 

Lorsque le CC est proche de 1 (en rouge sur la figure), les cibles ont globalement la même forme, et donc le milieu est homogène (pluie seule ou neige seule). En revanche, le volume échantillonné est d'autant plus hétérogène que le CC est faible. Sur l'image montrée, on met en évidence une bande caractérisée par des valeurs plus faibles du CC en vert, situant une zone de mélange pluie/neige (indiquée par la flèche blanche). Le front froid, associé à une baisse de température importante, a d'abord donné des précipitations sous forme de pluie puis quelques chutes de neige, suivies d'un regel.

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