Les tempêtes en Europe de l'Ouest se produisent généralement entre octobre et
mars. Le courant-jet à la tropopause, impliqué dans le développement des
dépressions dites baroclines car puisant leur énergie à partir du gradient de
température entre les tropiques et les régions polaires, est souvent moins
fort en été et circule en moyenne plus au nord qu'en hiver. Les cyclogenèses
intenses sont par conséquent inhabituelles en saison estivale à nos latitudes.
La tempête Poly ayant touché les Pays-Bas et le nord-ouest de l'Allemagne le 5
juillet 2023, causant de nombreux dégâts, représente ainsi un cas
exceptionnel.
Un autre élément repérable est ce qu'on appelle une "feuille barocline".
Il s'agit de la région riche en humidité qui ressort en blanc, entre le
tourbillon cyclonique d'altitude (en noir) et le nord-ouest de la France.
Une telle structure n'est pas rare, elle précède typiquement le processus
de cyclogenèse, lorsque la zone barocline commence à onduler. La formation
de nuages épais indique que l'atmosphère dans cette région est le siège de
mouvements ascendants.
Les advections de température à 850 hPa associées à la circulation cyclonique restent modérées dans un premier temps. L'advection de vorticité cyclonique en altitude contribue à renforcer les ascendances dans les niveaux inférieurs, et au déplacement zonal du thalweg secondaire.
A 00 h UTC le 05 juillet, la perturbation a progressé vers l'est et une
dépression se creuse en surface, immédiatement en aval du thalweg à 500
hPa (figures 4 et 5). Les advections thermiques à 850 hPa se sont
renforcées : advection chaude à l'avant de la perturbation, advection
froide à l'arrière (figure 4 en bas à gauche). La nette augmentation de la
divergence du vent en haute troposphère (signe "+" sur la figure 4 en haut
à droite) est un marqueur de l'amplification de la perturbation, les
fortes ascendances renforçant le tourbillon cyclonique par étirement.

Le creusement est explosif, la pression au niveau moyen de la mer
s'abaisse à moins de 990 hPa en quelques heures. La dépression étant de
dimension relativement petite (de l'ordre de quelques centaines de
kilomètres), elle est mieux visible en zoomant sur la zone d'intérêt
(figure 5). L'accroissement du gradient horizontal de pression induit un
net renforcement du vent, notamment dans la partie sud de la dépression,
d'abord au nord de la France puis à l'ouest des Pays-Bas lorsque la
tempête parvient à maturité. La cyclogenèse s'accompagne d'une ondulation
notable du champ d'épaisseur, d'un système frontal bien développé à
l'origine de précipitations parfois soutenues, notamment au passage du
front froid. En journée, la tempête Poly se dirige vers le nord de
l'Allemagne et le Danemark en faiblissant peu à peu.
La figure suivante montre la tempête Poly à 06 h UTC le 5, vue par
satellite dans le canal infrarouge. La position du minimum dépressionnaire
est indiquée par la lettre "L" en rouge. Les nuages s'enroulent dans un
mouvement cyclonique. Les vents les plus forts se produisent vers
l'extrémité de l'enroulement nuageux, sur l'ouest des Pays-Bas. Des
rafales de vent jusqu'à plus de 30-40 m/s étaient simulées selon un
couloir étroit à méso-échelle par les modèles régionaux AROME et ICON-D2.
Une pointe à 148 km/h (41 m/s) a été mesurée à Ijmuiden.