Du dimanche 9 au lundi 10 janvier 2022, d'abondantes précipitations ont touché
le sud-ouest de la France, plus précisément les départements situés
immédiatement au nord du massif pyrénéen. Les pluies soutenues et durables
associées à une fonte nivale ont donné lieu à des crues. Par ailleurs, le
risque d'avalanche était important en montagne. La figure ci-dessous montre la
position du front chaud ayant adopté un caractère quasi-stationnaire,
responsable de cet épisode pluvieux inhabituel. Ce front séparait l'air froid
à l'est - s'étant engouffré vingt-quatre heures plus tôt suite au passage
d'une perturbation - d'une masse d'air plus chaud et humide à l'ouest,
conséquence d'une "rivière atmosphérique".
Dans un flux rapide de secteur nord-ouest (flèche orange), une masse d'air doté d'un contenu relativement élevé en eau précipitable pour la période de l'année est arrivée sur le golfe de Gascogne et la façade atlantique.
L'atmosphère s'est humidifiée et radoucie dans les niveaux inférieurs.
L'advection de température à 700 hPa le 9 janvier à 18 h UTC est montrée
ci-dessous. On peut voir que, sur l'ouest de la France, le vent assez fort
de NO coupe les isothermes (figure à gauche) de sorte qu'il se produit une
advection chaude (contours en rouge, à droite). Une masse d'air chaud peut
contenir davantage de vapeur d'eau qu'une masse d'air plus froid.
L'augmentation de température dans les basses couches jusqu'à 600 hPa est
particulièrement visible lorsque l'on compare le sondage de 12 h UTC le 9
janvier avec celui de 00 h UTC le 10 janvier pour Bordeaux : la surface
coloriée en bleu disparaît au profit de la surface en rouge. La vitesse du
vent croît avec l'altitude, tandis que la rotation dans le sens indirect
dimanche - O en surface et NO en altitude - indique bien une advection
chaude. L'atmosphère est par ailleurs saturée, la courbe d'état et la courbe
bleue étant confondues. L'eau précipitable est indiquée en bas du diagramme
; elle augmente entre les deux radiosondages, passant de 22 mm à 29 mm.
L'isotherme 0 °C évolue aussi, s'élevant à près de 2500 m d'altitude. Les
données disponibles pour Bordeaux indiquent une isotherme +1 °C située lundi
à 2375 m ainsi qu'une température de l'air identique au point de rosée. A
supposer que le profil vertical dans les Pyrénées soit peu éloigné, ces
données suggèrent une limite pluie-neige à au-moins 2300 m d'altitude ! Il
s'agit d'un niveau particulièrement haut pour janvier.
La trace du front chaud peut être repérée en analysant le champ de
température potentielle équivalente (theta-e), paramètre conservé lors des
transformations de l'air humide. Les lignes d'égale température potentielle
sont des isentropes. Un front correspond à une zone de fort gradient
horizontal de theta-e. D'après la figure ci-dessous, les isentropes se
resserrent entre dimanche et lundi sous l'action du vent. L'accroissement du
gradient thermique horizontal correspond à la frontogenèse. En coupe
verticale, on peut aussi mettre en évidence des mouvements ascendants
assurant la formation de nuages et de précipitations en amont des
Pyrénées.
Le relief pyrénéen a largement contribué à l'augmentation de l'activité
pluvieuse, par effet de blocage conjugué au soulèvement orographique. Une
observation attentive de l'image satellite montre effectivement que les
nuages étaient bloqués en amont de la chaîne des Pyrénées, le ciel étant
plus dégagé sous le vent en Espagne. Finalement, les précipitations
continues ont duré plusieurs heures, s'atténuant lundi en journée en plaine
puis le soir en montagne.
Les quantités de précipitations ont été importantes sur les Pyrénées,
localement jusqu'à plus de 100-150 mm mesurés sur deux jours. Les cumuls
étaient moindres en plaine que sur le piémont pyrénéen et en montagne.
Voici quelques cumuls de précipitations relevés sur 48 heures à partir du 09 janvier 2022 à 06 h UTC :
- 94 mm à Bagnères-de-Luchon (31)
- 103 mm à Saint-Girons (09)
- 109 mm à Villardebelle (11)
- 110 mm à Lannemezan (65)
- 127 mm à Soulan (09)
- 148 mm à Cauterets (65)
- 156 mm à Laruns-Hourat (64)
- 159 mm à Arbéost (65)
- 177 mm à Augirein (09)
Le modèle déterministe à haute résolution AROME modélisait des accumulations supérieures (localement > 200 mm en montagne). La prévision a conduit Météo-France à placer cinq départements en vigilance rouge pour pluie-inondation. Des cours d'eau ont réellement subi une crue importante. La Garonne est notamment sortie de son lit le 10 janvier.