Les brouillards étaient fréquents du 8 au 12 novembre en France et en Allemagne, parfois givrants (lorsque les sols et les objets ont une température négative, les micro-gouttelettes en surfusion gèlent au contact). Dans plusieurs zones, la grisaille s'est même avérée persistante l'après-midi. Les nappes de stratus apparaissent clairement sur l'image satellite visible du vendredi 12/11 à 16 h par exemple, notamment dans le Val de Saône et en plaine d'Alsace ou encore en Bavière. Le brouillard est souvent présenté comme étant un phénomène local de basses couches, mais il peut en réalité être assez étendu, généralisé.
A l'imagerie, on distingue par ailleurs les Alpes enneigées. On peut
également noter d'une part des nuages nombreux sur le nord-ouest du pays,
correspondant à l'arrivée d'un front faiblement pluvieux, et d'autre part
les masses nuageuses denses autour de la dépression nommée Blas en
Méditerranée. Entre les deux, le champ de pression est faiblement
anticyclonique.
Les contrastes thermiques horizontaux étaient importants. Là où en plaine les stratus trop épais ne parviennent pas à se dissiper, la température évolue très peu en journée : 1 à 3 °C seulement en fin d'après-midi, carte suivante (plages de couleur bleue). Ailleurs sous le soleil, la température atteint ou dépasse par endroit une dizaine de degrés, y compris en moyenne montagne. Dans ces circonstances, la température peut varier significativement sur une courte distance.
Lors d'une sortie vendredi, j'ai pris le cliché ci-dessous peu après 17 h
locale, à l'est de Toul en Meurthe-et-Moselle. Jeudi, le brouillard s'était
maintenu tout au long de la journée, mais il est parvenu à se dissiper le
lendemain, tandis que Nancy à une dizaine de kilomètres seulement restait
plongé dans un épais brouillard. La photo montre une fumée s'élevant dans
une couche limite peu développée et son étalement sous une couche
d'inversion thermique stable, caractérisée par une augmentation de la
température avec l'altitude (le profil de température typique a été
représenté).
Ce type de situation, relativement fréquente en saison froide, favorise l'accumulation des polluants dans les basses couches de l'atmosphère. Les vallées et les zones urbaines sont particulièrement concernées par l'augmentation de la concentration en particules fines et oxydes d'azotes. Mais avec l'arrivée de la perturbation samedi, le changement de masse d'air et le vent, les polluants ont pu se disperser.
La figure ci-dessous montre trois sondages à 12 heures d'intervalle pour Idar-Oberstein en Allemagne, vendredi et samedi (cliquer pour agrandir). Vendredi après-midi, on pouvait noter la présence d'une inversion de température encore marquée vers 900 hPa. L'air est sec dans l'atmosphère libre, l'humidité étant contrainte près de la surface, où l'observation à 17 h indique du brouillard dans l'heure précédente. Progressivement, entre vendredi et samedi, la perturbation pluvieuse se décalant vers l'est, de l'air plus froid et humide arrive en altitude et l'inversion thermique est érodée. Remarquez la rotation du vent à droite au-dessus de 700 hPa (orientation au secteur SO vendredi, N-NW samedi), ainsi que le décalage de la courbe d'état vers la gauche. L'isotherme 0 °C s'abaisse de presque 1000 m.
Le niveau de la tropopause peut ici être évalué par un diagnostic thermique simple. Vendredi, le gradient de température en haute troposphère change brusquement vers 250 hPa (~ 10,5 km), situant la tropopause à ce niveau. Samedi après-midi, la tropopause dans l'air froid est bien plus basse, vers 6 km d'altitude.
Une manière complémentaire de déterminer l'altitude de la tropopause est
d'effectuer un diagnostic en tourbillon potentiel. Brièvement, le tourbillon
potentiel combine la stabilité statique de l'atmosphère et la vorticité
absolue, il s'exprime en PVU. C'est un paramètre conservatif lors
d'évolutions adiabatiques. Dans la troposphère, le tourbillon potentiel est
faible et quasi-uniforme. Dans la stratosphère, il croît rapidement. On
définit la tropopause dynamique comme la surface 1,5 PVU. La figure suivante
représente l'altitude géopotentielle de la surface 1,5 PVU à 16 h UTC
vendredi et samedi respectivement, d'après les prévisions AROME à court
terme. Vendredi, la tropopause dynamique au-dessus de Idar-Oberstein se
situe entre 1050 et 1100 gpdam. Samedi, la région est traversée par une
anomalie basse de tropopause. Le diagnostic en tourbillon potentiel n'est
donc pas éloigné dans le cas présent du diagnostic thermique.
Plus au sud, la dépression de méso-échelle Blas a affecté pendant plusieurs jours les régions méditerranéennes, en particulier les îles Baléares, la Sardaigne et la Corse, apportant vent et instabilité. Des rafales maximales de vent supérieures à 100 km/h ont été enregistrées, et de fortes pluies convectives ont été observées, causant par endroit des inondations. Prenant des caractéristiques subtropicales en milieu de semaine, Blas était située dimanche au large de la Sardaigne (image ci-dessous) et occasionne encore des intempéries dans le sud-est de la France.
La dépression Blas vue du ciel le 14/11/21 à 11 h UTC