Une onde de la circulation atmosphérique s'est développée dernièrement en
Amérique du Nord, faisant remonter de l'air très chaud sur l'est du Canada
comme on peut le voir sur la figure ci-dessous. Les températures en basses
couches au voisinage de la baie d'Hudson excédaient les moyennes climatiques
de plus de 12 °C dans le secteur chaud de la perturbation ! Des températures
maximales proches de 30 °C ont été mesurées en surface, soit largement
au-dessus des normales de saison pour cette région du globe.
L'augmentation du gradient méridien de température - on peut noter
ci-dessous le fort contraste thermique entre Terre-Neuve et Groenland par
exemple - se traduit par une intensification du courant-jet polaire. Au
niveau 300 hPa, vers 9 km d'altitude, la vitesse du vent peut y dépasser 250
km/h !
Comment expliquer l'existence du courant-jet troposphérique ? L'atmosphère des moyennes latitudes est barocline : à un niveau de pression donné, la température varie plus ou moins fortement. Et en vertu de l'équilibre hydrostatique, plus une masse d'air est dense, plus la pression diminue rapidement avec l'altitude. Ainsi, la pression décroît moins rapidement avec l'altitude du côté tropical (air chaud) que dans la zone polaire (air froid plus dense). Il en résulte une inclinaison des surfaces isobares et un gradient moyen de pression horizontal nord-sud fort en altitude (voir schéma ci-dessous) : basses pressions ou bas géopotentiels au nord, hautes pressions ou hauts géopotentiels au sud. Si l'atmosphère était soumise aux seules forces de pression, l'air se dirigerait des hautes vers les basses pressions, donc en direction du pôle. Mais comme la Terre tourne sur elle-même, la force d'inertie de Coriolis entre en jeu et dévie l'air sur sa droite. A l'échelle synoptique, dans l'atmosphère libre où les frottements sont négligeables, la force de Coriolis et la force horizontale de pression se compensent quasiment : l'écoulement est très proche d'un équilibre dit géostrophique. Par conséquent, l'air circule parallèlement aux isohypses, en laissant dans l'hémisphère nord les bas géopotentiels sur sa gauche et les hauts géopotentiels sur sa droite : le vent moyen est donc de secteur ouest à nos latitudes. La vitesse du vent est proportionnelle au gradient de pression horizontal, alors plus fort en haute troposphère qu'en surface : le vent se renforce jusqu'à la tropopause où circule le courant-jet, disons vers 300 hPa. Plus la température varie rapidement sur l'horizontale, ou plus l'atmosphère est barocline, et plus l'accroissement du vent avec l'altitude est fort.
L'hiver approchant, le chauffage solaire diminuant dans l'hémisphère nord, les masses d'air se refroidissent. Le courant-jet troposphérique se renforce depuis août, comme le montre la figure ci-dessous. En haut est représentée la température moyenne à 700 hPa (environ 3 km d'altitude) dans l'hémisphère nord, du 14/08/21 au 31/08/21 d'une part (à gauche) et du 01/09/21 au 18/09/21 d'autre part (à droite). En bas est représenté le champ de vent moyenné à 300 hPa sur les mêmes périodes.
Température moyenne (K) à 700 hPa (en haut) et vent moyen (m/s) à 300 hPa (en bas) du 14/08/21 au 31/08/21 (à gauche) et du 01/09/21 au 18/09/21 (à droite), dans l'hémisphère nord, réanalyses. Sources : NOAA, NCEP/NCAR.
De août à septembre, on met visuellement en évidence :
- la tendance au refroidissement du pôle nord ;
- une augmentation du gradient méridien de température aux moyennes latitudes ;
- l'intensification sensible du courant-jet, en particulier au-dessus du Pacifique.
La baroclinie est en quelque sorte le carburant des perturbations
synoptiques qui évoluent aux latitudes tempérées. En hiver, le courant-jet
est en moyenne plus fort et ondule à des latitudes un peu plus basses que
durant l'été, si bien que les conditions météo en Europe sont plus
fréquemment humides ou agitées. La circulation atmosphérique varie néanmoins
à l'échelle intra-saisonnière ; la position, la trajectoire et l'intensité
du courant-jet fluctuent au cours du temps, des régimes de temps alternent
de façon assez chaotique. Par exemple, lorsqu'un régime zonal caractérisé
par des vents d'ouest forts est en place, le temps peut être doux et humide.
Quand le courant-jet présente des oscillations importantes, les échanges
méridiens s'accentuent. Dans ces circonstances, l'air froid polaire peut
alors descendre très au sud.