L'ouragan Sam, après avoir atteint fin septembre une intensité de catégorie 4 sur l'échelle de Saffir-Simpson et être passé tout près des Bermudes, occasionnant une forte houle, est à présent dans sa phase de transition extra-tropicale à l'est de Terre-Neuve. Avec des vents maximaux estimés à près de 250 km/h le 26 septembre dernier, Sam est devenu après Ida l'ouragan le plus intense de la saison cyclonique 2021 sur le bassin Atlantique nord. Il s'est affaibli depuis le début de sa dérive vers le nord, mais lundi matin l'oeil du cyclone était encore discernable à l'imagerie, signe d'une subsidence centrale en altitude, et la symétrie apparente du système était plutôt conservée. Il interagit aujourd'hui, mardi 5 octobre, avec une anomalie cyclonique d'altitude pour évoluer en tempête des moyennes latitudes.
Pour qu'un cyclone tropical se forme, s'intensifie puis survive, l'une des
conditions nécessaires est une température de l'eau supérieure à environ 26 °C
sur une certaine épaisseur. Or en remontant vers les hautes latitudes, Sam
circule au-dessus d'eaux de plus en plus froides (gradient méridien de SST),
bien que globalement un peu plus chaudes que la normale cet automne sur
l'Atlantique nord. Il rencontre également l'environnement barocline des
moyennes latitudes plus cisaillé en profondeur (variation rapide de la vitesse
du vent avec l'altitude). Ces facteurs contribuent à son affaiblissement
progressif et aux modifications de sa structure interne.
Il est intéressant d'observer la structure de Sam à 72 heures d'intervalle, le
1/10 juste avant son passage à 400 km à l'est des Bermudes, et hier le 4/10 au
voisinage de Terre-Neuve (figure ci-dessous). En coupe verticale dans un plan
ouest-est à travers le cyclone, on observe la persistance d'un coeur chaud :
les isentropes (lignes noires d'égale température potentielle) sont déformées
vers le bas. L'anomalie chaude est d'amplitude maximale en haute troposphère
où elle atteint +10 à +15 °C ! Les vents restent forts, leur distribution
asymétrique ; les plus intenses (> 100 kt ou ~ 185 km/h) se situent en
basses couches autour de 850 hPa, au niveau du mur de l'oeil dans la partie
est du système, où la vitesse du vent relatif au cyclone s'ajoute à la vitesse
de déplacement de l'ouragan vers le nord. Le vent souffle un peu moins fort
directement à la surface de la mer.
Lors de sa transition extra-tropicale, le système tend à s'élargir (sa
dimension horizontale augmente) et sa structure verticale change aussi. Le 4
octobre, Sam était en fin de compte un ouragan encore vigoureux aux
caractéristiques tropicales bien conservées. Mais ce mardi, les changements de
structure s'accélèrent, la distribution des champs de température, de vent et
de tourbillon évolue significativement : le cyclone interagit avec un talweg
d'altitude dans la zone barocline des moyennes latitudes.
A ce stade, les mouvements verticaux atmosphériques associés à l'anomalie de
basse tropopause en altitude se couplent avec les ascendances reliées au
tourbillon cyclonique des niveaux inférieurs, et la dépression se creuse à
nouveau temporairement.
La transformation d'un cyclone tropical en tempête des moyennes latitudes au cours de sa dérive vers le pôle n'est pas systématique, elle se produit en moyenne dans un cas sur trois au-dessus de l'Atlantique nord. Quand une telle transition extra-tropicale affecte les terres, elle peut donner lieu à des intempéries redoutables. L'ex-cyclone Sam va mercredi, tout en perdant de vigueur, se diriger en direction de l'Islande où la perturbation devrait engendrer jeudi des précipitations et un renforcement du vent. Dans le même temps, une dorsale de hautes pressions s'étirera en Europe de l'Ouest.
Source : Tropical Tidbits.