Ligne de convergence et orages entre Champagne-Ardenne et Lorraine


Cette photographie a été prise près de Toul en direction de la Meuse, mercredi 31 août 2022 en fin d'après-midi. Elle montre des nuages associés à une ligne d'orages en phase de dissipation, situés à quelques dizaines de kilomètres du lieu d'observation vers l'ouest. La situation pour ce dernier jour de l'été météorologique était relativement peu dynamique à l'échelle synoptique, mais une convergence de basses couches à méso-échelle dans un contexte chaud et instable a favorisé le devéloppement d'orages modérés entre les Ardennes et la Haute-Marne.

Voici un profil vertical près de Sainte-Menehould dans la Marne, selon l'analyse GFS à 12 h UTC. Les données en surface - température de 80 °F (~ 27 °C) et point de rosée égal à 55 °F (~ 13 °C) - sont cohérentes avec les observations du réseau de stations à proximité. Par évolution diurne, l'atmosphère est devenue modérément instable, ce que montre bien le profil présenté : SBCAPE de ~ 700 J/kg, MLCAPE de ~ 300 J/kg, indices de soulèvement négatifs. Il n'y avait pas ou que très peu d'inhibition convective.

Sondage GFS le 31/08/22 entre Marne et Meuse (Pivotal Weather)

La convection profonde s'est déclenchée entre 14 h et 16 h locale le long d'une ligne de convergence du vent près de la surface. Un premier orage a éclaté dans les Ardennes au nord de Rethel, puis les cellules orageuses se sont multipliées suivant un axe s'étirant du sud des Ardennes à la Haute-Marne (voir figure ci-dessous), localement associées à de fortes pluies. Un phénomène tourbillonnaire localisé a même été observé près de Valmy.

Image radar le 31/08/22 à 14 h UTC (fortes réflectivités en rouge).
Source Météociel, données Météo-France.

L'analyse du champ de vent en début d'après-midi met en évidence une méso-dépression de surface. Des nuages apparaissent déjà à l'imagerie, les nuages formés étant d'autant plus blancs qu'ils sont denses et réfléchissent plus fortement le rayonnement solaire.

Vent à 10 m (barbules) et image visible le 31/08/22 à 12 h UTC.
Source : EUMeTrain.

Le vent peut être représenté par un vecteur à deux composantes horizontales. Sur la figure suivante sont représentées les composantes zonale u et méridienne v du vent au niveau 950 hPa à 12 h UTC. A droite, les valeurs positives de v en orange traduisent un vent de composante sud, les valeurs négatives en bleu un vent de composante nord. A gauche, les valeurs négatives de u en bleu indiquent un vent de composante est, les valeurs positives en orange indiquent un vent de composante ouest. Le vent zonal, négatif en Lorraine (vent de secteur E), augmente en allant vers la Champagne. La diminution de u d'ouest en est traduit un champ de vent convergent.

Vent zonal (gauche) et vent méridien (droite) au niveau 950 hPa le 31/08/22 à 12 h UTC d'après l'analyse du modèle régional ICON-D2 (DWD)

D'un point de vue mathématique, on définit la divergence du vent représenté par le vecteur V de composantes u et v par l'opérateur :

div (V) = u/xv/y

où ∆u et v désignent respectivement la variation de u suivant (Ox) sur une distance x et la variation de v suivant (Oy) sur une distance y dans le repère local terrestre (O, i , j).

Si div (V) > 0, le vent est divergent ; si div (V) < 0, le vent est convergent.

Pour illustrer la convergence du vent ce 31 août en pratique, appuyons-nous sur la figure ci-dessous représentant le vent zonal u = u i (vecteurs en bleu) et le vent méridien v = v j (vecteurs en rouge) autour d'un point situé entre Châlons-en-Champagne et Sainte-Menehould (croix noire).

Vent zonal (bleu) et méridien (rouge) autour d'un point

Dans le cas étudié, le vent zonal est négatif (vent d'est) et diminue d'ouest en est, ce qui signifie : u/x < 0. Le vent méridien ne varie quasiment pas du sud au nord : v/y ~ 0. Ainsi, div (V) < 0, il y a convergence.

La convergence du vent près du sol est associée à des mouvements verticaux ascendants en vertu de la conservation de la masse, de sorte que div (V) + w/≈ 0, où w désigne la vitesse verticale. Le bilan positif du flux de masse horizontal doit être compensé par un flux de masse vertical.

 

Les mouvements verticaux induits favorisent l'initiation de la convection humide profonde et viennent se conjuguer aux ascendances liées à l'instabilité de flottabilité, de l'ordre du m/s à mi-troposphère.

Le modèle régional allemand ICON-D2 est parvenu à simuler correctement la convection l'après-midi, avec toutefois un certain retard par rapport à l'observation. Ce n'est pas toujours le cas. En matière de prévision, la détection des zones de convergence dans un contexte où les profils verticaux sont instables est importante car la convection peut s'y déclencher préférentiellement, sans que les modèles régionaux ne simulent forcément des précipitations convectives. Il faut noter qu'une fois initiée et développée, la convection profonde va modifier le champ de vent à son voisinage si bien qu'une convergence locale peut aussi être le résultat de la convection profonde elle-même !

Réflectivité radar simulée par ICON-D2 le 31/08/22 à 15 h UTC

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