Mars-avril est la période des giboulées et des premiers orages de l'année. Le
réchauffement diurne de l'air près de la surface devient important au
printemps et la circulation de masses d'air relativement froid en altitude se
superposant à de l'air doux en basse couche peut conduire à l'instabilité
convective. Plusieurs cellules orageuses localement productrices de grésil se
sont développées en région Nouvelle-Aquitaine jeudi 10 mars après-midi suite à
l'arrivée d'une petite goutte froide par le Golfe de Gascogne. La photo
ci-dessous a été prise en fin de journée dans le département de la
Charente-Maritime. On y voit la partie arrière d'un
cumulonimbus capillatus incus avec mamma situé à une vingtaine
de kilomètres vers l'est de l'observateur. La visibilité est très bonne.
L'enclume s'étale horizontalement, le sommet nuageux apparaît relativement
bas.
Jeudi 10 mars 2022
La situation synoptique jeudi 10 mars est la suivante : un régime de blocage est en place sur l'Europe, une vaste dorsale anticyclonique s'étire en direction de la Scandinavie et deux thalwegs sont présents de part et d'autre : l'un sur l'Atlantique Nord, l'autre en Europe orientale. Un petit thalweg secondaire associé à un maximum de tourbillon et une anomalie froide aborde la Nouvelle-Aquitaine, région du sud-ouest de la France (flèche rouge sur la carte ci-dessous), où il vient apporter un peu de dynamisme et d'instabilité. La température à 500 hPa descend à -26 °C environ. La surface se réchauffant en parallèle l'après-midi, le gradient thermique vertical augmente et l'atmosphère se déstabilise.
Le radiosondage de Météo-France pour Bordeaux à 12 h UTC n'indique pas
encore un profil vertical instable. La température à 2 m augmente en début
d'après-midi, passant de 12,3 °C à 13 h locale à 15,5 °C vers 15 h 30. Des
pluies faibles jusqu'au matin ont apporté un supplément d'humidité. Le point
de rosée est proche de 10 °C. La figure ci-dessous montre le profil vertical
de l'atmosphère et l'hodographe tels que prévus par GFS l'après-midi mais
avec une légère modification apportée à la température et l'humidité en
surface à partir des observations. On retrouve les caractéristiques d'une
convection de masse d'air frais à tropopause basse. La CAPE atteint quelques
centaines de J/kg, soit une instabilité convective modérée. Le niveau
d'équilibre thermique - qui correspond à peu près au niveau maximal des
sommets des Cb - est situé à 6,5 km d'altitude.
Les premières cellules convectives se sont formées en Gironde et dans les
Landes. La tendance orageuse s'est ensuite généralisée à l'est de Bordeaux
(zone dans le cercle rouge sur la figure suivante). Un tuba plutôt développé
a été observé. L'hodographe précédent montre une faible hélicité
relative (40 m²/s² dans le premier kilomètre et 109 m²/s² entre 0 et 3 km),
indiquant un potentiel de phénomène tourbillonnaire de faible
intensité.
D'autres cellules se sont rapidement formées tout en remontant vers le
nord-est (ellipse en brun), en Charente-Maritime, où la photo au début de
l'article a d'ailleurs été prise. La réflectivité radar à 18 h 20 montre un
écho en arc de petite dimension (~ 10 km) et suggère en tout cas de fortes
précipitations locales, peut-être du grésil.
A l'arrière ou aux abords d'un nuage d'orage, sous l'enclume du Cb, on
observe parfois de nombreuses protubérances plus ou moins arrondies appelées
mammatus. Ce fut le cas ce jour là (photo). Chaque boursouflure
correspond à une poche d'air froid descendant dans un environnement moins
dense et plus sec. Le poids engendré par les hydrométéores et le
refroidissement de l'air dû aux changements d'état de l'eau (évaporation des
gouttelettes, fonte ou sublimation des cristaux de glace) contribuent
probablement à la formation du mammatus.
Cette cellule orageuse s'est finalement dissipée en atteignant le département des Deux-Sèvres.
Vendredi 11 mars 2022
D'autres orages ont éclaté le lendemain après-midi suite au décalage du thalweg atlantique et avec l'arrivée d'un front froid progressant vers le Massif central. L'instabilité de flottabilité était relativement faible - un peu plus importante sur le nord-ouest de la France qu'en Aquitaine - mais le forçage dynamique était vigoureux. Des nuages accompagnés de pluies modérées à localement fortes se sont formés le long d'une ligne de convergence du vent marquée en basses couches.
Une structure de méso-échelle plus ou moins linéaire s'est ainsi développée
dans le courant de l'après-midi et des orages ont concerné l'Aquitaine. Une
cellule orageuse très active (réflectivité > 60 dBZ) a notamment traversé
la frontière entre les Landes et le Lot-et-Garonne juste après 16 h.
La figure suivante montre le champ de vent prévu à 925 hPa par le modèle
régional de Météo-France pour vendredi après-midi à 16 h, à l'échéance H+9
et à l'échéance H+3. Le vent de secteur sud-est en Occitanie vient à la
rencontre de vents d'ouest en Nouvelle-Aquitaine. La convergence du vent
favorise des ascendances, la condensation de la vapeur d'eau et la formation
de précipitations. La position de la zone de convergence modélisée est
indiquée par la ligne ajoutée en brun. On remarque que la sortie
déterministe du matin diffère sensiblement de la suivante qui est plus
proche de la réalité : l'assimilation de données d'observation plus récentes
a permis d'améliorer la prévision.