Ce premier weekend de février se clôt dans des conditions particulièrement
humides et agitées. En effet, une perturbation active traverse la France,
apportant pluie, neige sur les reliefs et vent fort. A l'échelle synoptique,
une dorsale anticyclonique évolue à l'est du bassin atlantique nord, tandis
qu'une cyclogenèse explosive se produit au sud du Groenland. On peut voir le
corps nuageux de cette perturbation en développement sur l'image ci-dessous
(en haut à gauche). La dépression est déjà relativement creuse mais la
pression au centre est prévue de chuter à moins de 935 hPa dans la nuit de
dimanche à lundi. A l'imagerie, on visualise aussi une couche nuageuse dense
sur la France, alors que le ciel sur la péninsule Ibérique est au même instant
assez dégagé. Un régime de traîne concerne la mer du Nord et le
Royaume-Uni.
L'écoulement zonal est rapide, ce que montre la carte suivante représentant
le vent à 300 hPa, c'est à dire au voisinage de la tropopause. Suite à la
poussée de la dorsale atlantique, le vent d'altitude en Europe de l'ouest
adopte toutefois une composante nord de plus en plus importante. Une branche
de jet s'étire depuis l'Ecosse jusqu'au nord de la France, le vent y atteint
près de 300 km/h. En sortie de jet, en aval d'une anomalie basse de
tropopause, on observe de la divergence d'altitude (signe "+"). Un flux
divergent en haute troposphère est associé, par conservation de la masse, à
de la convergence dans les niveaux inférieurs et à des mouvements ascendants
de l'air. Quand l'air s'élève, il se condense, formant des nuages à
l'origine des précipitations. La branche de jet sur le flanc ouest de la
dorsale interagit avec l'anomalie cyclonique en développement au sud du
Groenland.
La figure ci-dessous montre la situation météorologique en Europe de l'Ouest
dimanche soir. A gauche, on remarque très bien le faible espacement entre
les isobares sur le nord et l'est de la France en l'occurrence (rectangle
rouge), d'où le net renforcement du vent. Les petites flèches rouges
identifient le vent en surface, lequel coupe plus ou moins les isobares en
se dirigeant vers les basses pressions, en raison des frottements et de
l'orographie qui modifie l'écoulement. A droite de la figure, il s'agit de
la température potentielle équivalente à 850 hPa. Le gradient de theta-e
permet d'identifier la position des fronts atmosphériques : le front chaud
est représenté en rouge, le front froid en bleu. En soirée, une grande
partie de la France est ainsi dans le secteur chaud de la perturbation.
Les flèches noires indiquent la direction du vent à 850 hPa. Alors que le vent transporte de l'air doux (advection chaude) et humide sur une partie de la France à l'arrière du front chaud, une advection froide commence à concerner l'extrême nord du pays suite à la progression vers le sud du front froid.
Le vent s'est nettement renforcé depuis le matin le long des côtes de la Manche, du Bassin parisien au Benelux, sur la région Grand-Est et en Allemagne. Le vent moyen y est fort et les rafales maximales dépassent régulièrement 75 km/h. Des pointes à plus de 100 km/h à l'intérieur des terres ont même été mesurées, par exemple à Lillers dans le Pas-de-Calais (117 km/h), à Chouilly dans la Marne (107 km/h) ou encore à Buhl-Lorraine en Moselle (100 km/h). En montagne, sur les crêtes et sommets exposés, le vent souffle encore plus intensément qu'en plaine : entre 90 et 130 km/h par rafales sur les Vosges et la Forêt-Noire.
Le renforcement par ailleurs du gradient de pression dans les régions méditerranéennes lors de la bascule du flux au secteur NO est prévu d'occasionner une augmentation significative du vent lundi matin, aussi bien en région PACA qu'en Corse et dans le Golfe du Lion. Le mistral et la tramontane souffleront en journée dans leurs domaines.
Les pluies associées au système frontal sont modérées et même localement assez intenses, comme le montre l'image radar des précipitations. A 19 h, on repère par exemple une ligne étroite de fortes pluies à la frontière entre l'Allemagne et la Moselle, tandis que des averses ponctuées de coups de tonnerre sont observées en Belgique au sein d'une masse d'air déstabilisée. La neige tombe sur les hauteurs du massif vosgien, au-dessus de 900 m environ, la limite pluie-neige étant prévue de remonter un peu en soirée avant l'arrivée de l'air froid.
Des précipitations touchent également le Jura et les Alpes. Le graphique
ci-dessous montre l'évolution de la température à 2 m à un peu plus de 1100
m d'altitude dans le massif du Jura, selon le modèle allemand ICON-D2 et son
ensemble. Suite à l'advection chaude en soirée, la température s'élève
légèrement entre 22 h dimanche et 3 h lundi et est prévue d'atteindre
pratiquement 2 °C, situant la limite pluie-neige dans le courant de la nuit
à une altitude supérieure, disons approximativement 1300 m d'après les
profils verticaux simulés. Après 3 h UTC, la température diminue à nouveau.
Remarquez par ailleurs la hausse de température prévue mardi, due en partie
à l'évolution diurne mais également consécutive à l'installation de
l'anticyclone sur notre pays.
Voici pour conclure les cumuls de neige prévus par AROME d'ici lundi à
mi-journée. Ils sont grosso modo de 10 à 30 cm en montagne à partir d'une
certaine altitude. Il est difficile d'envisager véritablement une couche de
neige fraîche sous 1000 m environ, à cause du radoucissement de la masse
d'air précédant le front froid, lequel sera suivi d'un abaissement marqué de
la limite pluie-neige mais également d'un amenuisement des précipitations.