Vent, pluie, neige en montagne

Ce premier weekend de février se clôt dans des conditions particulièrement humides et agitées. En effet, une perturbation active traverse la France, apportant pluie, neige sur les reliefs et vent fort. A l'échelle synoptique, une dorsale anticyclonique évolue à l'est du bassin atlantique nord, tandis qu'une cyclogenèse explosive se produit au sud du Groenland. On peut voir le corps nuageux de cette perturbation en développement sur l'image ci-dessous (en haut à gauche). La dépression est déjà relativement creuse mais la pression au centre est prévue de chuter à moins de 935 hPa dans la nuit de dimanche à lundi. A l'imagerie, on visualise aussi une couche nuageuse dense sur la France, alors que le ciel sur la péninsule Ibérique est au même instant assez dégagé. Un régime de traîne concerne la mer du Nord et le Royaume-Uni.

Image visible du dimanche 6 février 2022 à 15 h UTC
 

L'écoulement zonal est rapide, ce que montre la carte suivante représentant le vent à 300 hPa, c'est à dire au voisinage de la tropopause. Suite à la poussée de la dorsale atlantique, le vent d'altitude en Europe de l'ouest adopte toutefois une composante nord de plus en plus importante. Une branche de jet s'étire depuis l'Ecosse jusqu'au nord de la France, le vent y atteint près de 300 km/h. En sortie de jet, en aval d'une anomalie basse de tropopause, on observe de la divergence d'altitude (signe "+"). Un flux divergent en haute troposphère est associé, par conservation de la masse, à de la convergence dans les niveaux inférieurs et à des mouvements ascendants de l'air. Quand l'air s'élève, il se condense, formant des nuages à l'origine des précipitations. La branche de jet sur le flanc ouest de la dorsale interagit avec l'anomalie cyclonique en développement au sud du Groenland.

Vent à 300 hPa et divergence horizontale. 
Source : wetter3.
 

La figure ci-dessous montre la situation météorologique en Europe de l'Ouest dimanche soir. A gauche, on remarque très bien le faible espacement entre les isobares sur le nord et l'est de la France en l'occurrence (rectangle rouge), d'où le net renforcement du vent. Les petites flèches rouges identifient le vent en surface, lequel coupe plus ou moins les isobares en se dirigeant vers les basses pressions, en raison des frottements et de l'orographie qui modifie l'écoulement. A droite de la figure, il s'agit de la température potentielle équivalente à 850 hPa. Le gradient de theta-e permet d'identifier la position des fronts atmosphériques : le front chaud est représenté en rouge, le front froid en bleu. En soirée, une grande partie de la France est ainsi dans le secteur chaud de la perturbation.

 Pression mer et géopotentiel à 500 mb (à gauche), theta-e à 850 hPa (à droite).
Source : Météociel.

Les flèches noires indiquent la direction du vent à 850 hPa. Alors que le vent transporte de l'air doux (advection chaude) et humide sur une partie de la France à l'arrière du front chaud, une advection froide commence à concerner l'extrême nord du pays suite à la progression vers le sud du front froid.

Le vent s'est nettement renforcé depuis le matin le long des côtes de la Manche, du Bassin parisien au Benelux, sur la région Grand-Est et en Allemagne. Le vent moyen y est fort et les rafales maximales dépassent régulièrement 75 km/h. Des pointes à plus de 100 km/h à l'intérieur des terres ont même été mesurées, par exemple à Lillers dans le Pas-de-Calais (117 km/h), à Chouilly dans la Marne (107 km/h) ou encore à Buhl-Lorraine en Moselle (100 km/h). En montagne, sur les crêtes et sommets exposés, le vent souffle encore plus intensément qu'en plaine : entre 90 et 130 km/h par rafales sur les Vosges et la Forêt-Noire.

Rafales de vent maximales d'après AROME.
Source : Météociel.
 

Le renforcement par ailleurs du gradient de pression dans les régions méditerranéennes lors de la bascule du flux au secteur NO est prévu d'occasionner une augmentation significative du vent lundi matin, aussi bien en région PACA qu'en Corse et dans le Golfe du Lion. Le mistral et la tramontane souffleront en journée dans leurs domaines.

Les pluies associées au système frontal sont modérées et même localement assez intenses, comme le montre l'image radar des précipitations. A 19 h, on repère par exemple une ligne étroite de fortes pluies à la frontière entre l'Allemagne et la Moselle, tandis que des averses ponctuées de coups de tonnerre sont observées en Belgique au sein d'une masse d'air déstabilisée. La neige tombe sur les hauteurs du massif vosgien, au-dessus de 900 m environ, la limite pluie-neige étant prévue de remonter un peu en soirée avant l'arrivée de l'air froid.

Image radar des précipitations. 
Source : Météociel.
 

Des précipitations touchent également le Jura et les Alpes. Le graphique ci-dessous montre l'évolution de la température à 2 m à un peu plus de 1100 m d'altitude dans le massif du Jura, selon le modèle allemand ICON-D2 et son ensemble. Suite à l'advection chaude en soirée, la température s'élève légèrement entre 22 h dimanche et 3 h lundi et est prévue d'atteindre pratiquement 2 °C, situant la limite pluie-neige dans le courant de la nuit à une altitude supérieure, disons approximativement 1300 m d'après les profils verticaux simulés. Après 3 h UTC, la température diminue à nouveau. Remarquez par ailleurs la hausse de température prévue mardi, due en partie à l'évolution diurne mais également consécutive à l'installation de l'anticyclone sur notre pays.

Evolution prévue de la température à 2 m selon l'EPS ICON-D2.
Source : Météociel.

Voici pour conclure les cumuls de neige prévus par AROME d'ici lundi à mi-journée. Ils sont grosso modo de 10 à 30 cm en montagne à partir d'une certaine altitude. Il est difficile d'envisager véritablement une couche de neige fraîche sous 1000 m environ, à cause du radoucissement de la masse d'air précédant le front froid, lequel sera suivi d'un abaissement marqué de la limite pluie-neige mais également d'un amenuisement des précipitations.

 
Cumul de précipitations neigeuses prévu sur l'épisode.
Source : Météociel.

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