Une fois encore, la neige n'a pas été au rendez-vous pour Noël ! Après une
période agitée et pluvieuse, un temps plus calme s'est installé pour clore
l'année 2021 suite à une poussée anticyclonique. Mais une masse d'air
extrêmement doux pour la saison a gagné la France et l'Europe. De nombreux
records de température ont été enregistrés, le premier jour de l'an s'est
déroulé dans des conditions remarquablement douces. Cet article revient
brièvement sur la situation météorologique récente. J'en profite pour vous
souhaiter une bonne et heureuse année 2022 !
Trois jours, trois perturbations
De lundi à mercredi dernier, les perturbations venues de l'Atlantique se sont succédé dans une circulation d'ouest (voir carte ci-dessous), apportant des pluies abondantes et du vent parfois assez fort. Un premier front (1) a ainsi traversé la France d'ouest en est lundi, rapidement suivi par une autre dégradation (2). Le vent transportait de l'air doux (flèche orange) au sein du secteur chaud associé à une perturbation au-dessus de l'océan, dont le front chaud (3) se dirigeait vers la France.
Les régions centrales entre autres ont été copieusement arrosées. La circulation d'une petite dépression mardi en Angleterre et en mer du Nord a engendré une hausse du gradient isobarique sur la moitié nord de la France. De fortes rafales de vent > 25 m/s ont touché les côtes bretonnes et de la Manche. Il a par exemple été relevé 126 km/h au Cap Gris-Nez dans le Pas-de-Calais et 113 km/h à Barfleur.
Le même jour, en début d'après-midi, une bande étroite de fortes pluies a par ailleurs touché la Lorraine. Vous pouvez voir sa signature ci-dessous à l'image radar des précipitations, au sein d'une large zone de pluie stratiforme. Cette bande de précipitations, le long de laquelle l'air est contraint de s'élever brutalement, est la preuve d'un certain dynamisme atmosphérique et laisse supposer la présence d'une forme d'instabilité locale. Elle s'est formée en aval d'une anomalie de basse tropopause, en sortie de jet. La ligne fût particulièrement active en Meurthe-et-Moselle où j'habite. Le vent déjà assez fort s'est sensiblement renforcé à son passage. La subsidence et le refroidissement par évaporation des précipitations ont pu jouer un rôle, d'autant plus que l'analyse montre un afflux d'air sec vers 700 hPa. Une pointe à 101 km/h a été relevée près de Nancy, entre 13 h et 14 h locale.
Mercredi, un front chaud traversait la France. Le gradient horizontal de
température pseudo-potentielle est la signature de ce front. Dans un
écoulement rapide de sud-ouest sur l'Atlantique, entre la dépression située
au sud de l'Islande et l'anticyclone subtropical en expansion, de l'air
particulièrement chaud et humide remontait en direction de l'Europe, au sein
d'une bande de transport connue sous le nom de rivière atmosphérique. La
masse d'air atteignant la France mercredi était alors dotée d'un contenu
élevé en eau précipitable.
Au final, des cumuls d'eau importants ont été enregistrés sur trois jours, supérieurs à 50 mm dans certains secteurs. Avec une isotherme zéro particulièrement élevée pour un mois de décembre, la pluie s'est invitée sur les différents massifs. Il fallait monter au-dessus de 2000-2500 m d'altitude dans les Alpes pour observer de la neige. Malgré un très bon enneigement en début d'hiver, le manteau neigeux en montagne a hélas particulièrement souffert après Noël.
Des conditions anticycloniques et une douceur hors norme
L'anticyclone s'est installé à partir du milieu de semaine, à l'origine de
conditions moins humides voire sèches et ensoleillées, dans une ambiance
très douce. Un dôme de chaleur s'est en effet mis en place sur l'Europe et
les températures ont atteint des niveaux remarquables, largement au-dessus
des normales climatiques. On a souvent mesuré 10 à 20 °C l'après-midi en
Europe de l'Ouest, et même davantage à certains endroits, autour de la
grande bleue et au sud de la Loire. La douceur a localement été accentuée
par effet de foehn. En France comme à l'étranger, aussi bien en plaine qu'en
montagne, des records mensuels de chaleur ont été franchis.
En hiver, l'anticyclone n'amène pourtant pas toujours un temps ensoleillé et
doux car les inversions thermiques tendent à piéger l'humidité en basses
couches. Quelques brouillards se sont ainsi montrés localement persistants.
L'image ci-dessous est une vue par satellite vendredi à mi-journée.
Remarquez d'abord la présence de nombreux nuages sur le Royaume-Uni, la
Manche et une partie du nord-ouest de la France : ils sont dus à un front
atténué circulant en bordure de l'anticyclone, donnant de la bruine en
Angleterre. Les Pays-Bas étaient aussi concernés par la présence de nuages
un peu plus denses, porteurs de précipitations modérées. Mais sur
l'hexagone, le soleil prédominait. Les brouillards ne sont pas parvenus à se
dissiper dans le Val-de-Saône ainsi que dans la plaine du Pô en Italie. Les
hauts sommets alpins et pyrénéens restent enneigés. La Méditerranée
quant-à-elle s'est recouverte d'une mince couche de stratus bas envahissant
progressivement les littoraux.
La figure ci-après représente quatre profils verticaux au-dessus de Nîmes à 24 heures d'intervalle entre mercredi 29 décembre et samedi le premier jour de l'an 2022. Entre le 29 et le 30 (A et B), on voit que le profil vertical change significativement, la courbe d'état en altitude se décalant vers la droite (réchauffement par subsidence et advection). Une inversion de température se développe. Parallèlement, l'écart entre la courbe bleue et la courbe rouge augmente : la masse d'air s'assèche. Vendredi (C) et samedi (D), l'air au voisinage de la surface s'est refroidi et devient saturé : le brouillard s'est répandu sur le littoral (entrées maritimes). La température n'a pas dépassé 8 °C à Nîmes samedi, contrastant fortement avec la température record de 20,9 °C relevée trois jours plus tôt !
Retenons que l'année 2022 a généralement débuté dans une douceur extrême.
Les températures minimales et maximales relevées au premier janvier sont
indiquées sur la carte ci-dessous (cliquer pour agrandir). On y lit des
maximales régulièrement comprises entre 13 et 24 °C. Autant dire que
l'ambiance était printanière ! Il a exactement été mesuré 24,1 °C à Pau et
Biarritz sur la côte basque, et même 24,5 °C à la Pointe de Socoa ! C'est
près de 12 °C au-dessus des normales de janvier.
L'Europe en général, excepté une partie de la Scandinavie et de la Finlande,
a connu une vague de douceur exceptionnelle. Selon les endroits, l'anomalie
thermique calculée à partir des normales 1981-2010 a atteint +5 à +15 °C le
premier jour de l'an ! La carte suivante parle d'elle même.
Cette semaine, la situation synoptique change progressivement. L'anticyclone
régresse et un thalweg se développe en Europe occidentale, accompagné d'une
advection froide mardi. Les températures resteront néanmoins élevées en
Europe centrale et du Sud, notamment dans les Balkans. Le météogramme pour
Paris, issu de la prévision d'ensemble de l'ECMWF, est présenté ci-dessous.
La pluie fait son retour en France et le vent de SO va tourner pour
s'orienter aux secteurs O à NO d'ici mercredi. La douceur résiste jusque
mardi puis la température va enfin baisser.